éprendre (s')

éprendre (s')

⇒ÉPRENDRE (S'), verbe pronom.
A.— Vx. S'allumer. P. métaph. :
1. Contents d'ouvrir les esprits, ne les surchargez point. Mettez-y l'étincelle. D'eux-mêmes, ils s'éprendront par l'endroit où ils sont inflammables.
FRANCE, Jard. Épicure, 1895, p. 200.
B.— Au fig. [Le suj. est gén. une pers. ou un attribut de la pers. : âme, cœur] Être saisi par un sentiment vif exprimant une relation affective, une passion.
1. [Le compl. introduit par de désigne un sentiment : amitié, amour, intérêt, passion, tendresse] :
2. Voilà le poëte, le peintre, le musicien qui se promène, flâne sur les boulevarts, marchande des cannes, achète de vieux bahuts, s'éprend de mille passions fugaces, ...
BALZAC, Théor. démarche, 1833, p. 617.
[Le plus souvent suivi d'un compl. secondaire, introduit par pour désignant la pers. ou la chose à laquelle s'applique ce sentiment] Il s'éprit d'enthousiasme pour les chaînes hydro-électriques Pulvermacher : il en portait une lui-même (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 203). Il affecta de s'éprendre pour Boris d'une affection subite (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1239) :
3. ... il était devenu l'ami de plusieurs étudiants bavards qui crachaient de la politique en buvant des bocks. Il s'éprit d'admiration pour eux...
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Protect., 1884, p. 438.
[P. ell. du compl. désignant un sentiment] Éprouver de l'affection, de l'amour pour quelqu'un, du goût pour quelque chose. S'éprendre pour. Nous vivons dans un siècle bourgeois, môsieur, au milieu d'une nation qui s'éprend de plus en plus pour la camelotte (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 64). M. Cousin, après avoir été dur pour Pascal, s'est vivement épris pour sa sœur, et la lui a préférée (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 293). J'aimais l'étude; parmi les jeux, ne m'éprenais que pour ceux qui demandent ou recueillement ou effort (GIDE, Porte étr., 1909, p. 506).
2. [Le compl. introduit par de désigne l'obj. du sentiment de relation affective, de la passion]
a) [Le compl. désigne une chose concr. ou abstr.] Éprouver un goût marqué, concevoir un vif intérêt pour quelque chose. Cf. se passionner. Je m'épris de cette idée de devenir utile après avoir été si longtemps nuisible (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 246). Une des deux femmes que j'ai le mieux connues (...) — quand je la rencontrai, venait de s'éprendre d'un tableau de Miro : « La danseuse espagnole » (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 99) :
4. ... depuis un an, il s'était épris d'études sociales. Le désir de transformer l'humanité douloureuse en une autre selon son rêve et meilleure le passionnait.
ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 163.
En partic. [Le compl. désigne un aspect, un attribut, une qualité d'une pers.] M. de Vaudreuil (...) ayant rencontré Le Brun, s'éprit de son talent (...) il le poussa auprès de M. de Calonne. Celui-ci à son tour s'enflamma pour le poëte (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, 1851-62, p. 158). Elle avait vingt ans de plus que lui. Elle s'éprit de sa gentille frimousse, de sa jeunesse, de sa force (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 171).
b) [Le compl. désigne une pers.] Éprouver un vif sentiment d'amitié, de sympathie ou d'admiration pour quelqu'un. Le directeur s'éprenait de lui et l'invitait quelquefois à dîner et (...) le retenait à causer (GONCOURT, Journal, 1892, p. 266). Je suis heureux de n'être pas le seul à n'avoir pu m'éprendre de Dumas père, lorsque mon compagnon d'ennui c'est Colette (GIDE, Journal, 1941, p. 70) :
5. ... ne faisons pas notre poète [Racine] plus intéressé qu'il ne fut en amitié; car il s'éprit fort, cette année-là, d'un garçon qui comptait dix-huit années de plus que lui et de qui il n'avait rien de plus à attendre que les agréments de son commerce : Jean de La Fontaine, ...
MAURIAC, Vie Racine, 1928, p. 26.
En partic. Devenir très amoureux d'une personne. [Il] s'éprit d'elle au point de vouloir l'épouser (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Boitelle, 1889, p. 273). Qui peut dire pourquoi un être s'éprend d'un autre? (ROLLAND, J. Chr., Amies, 1910, p. 1220).
3. Emploi abs. [L'obj. est gén. suggéré par le cont.]
a) Se passionner (pour quelque chose) :
6. ... quand le Comte de Carmagnola lui tomba entre les mains, le voilà [Goethe] qui s'éprend, qui s'enfonce dans l'étude de cette pièce [de Manzoni], y découvrant mille intentions, mille beautés...
SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 2, 1851-62, p. 342.
b) Se mettre à aimer quelqu'un d'un amour très vif. Grâce à mon âge, j'allais librement chez elle. À mesure que je m'éprenais davantage, je trouvais des prétextes pour m'y rendre plus souvent (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 478) :
7. ... les femmes par exemple, sont plus lentes à s'éprendre, mais, une fois éprises, bien plus fidèles; et leurs partenaires, au rebours, plus inflammables, mais plus volages; ...
JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 190.
Prononc. et Orth. :[], (je m')éprends []. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Cf. prendre. Étymol. et Hist. Ca 1100 esprendre « s'enflammer, prendre feu (d'une chose) » (Roland, éd. J. Bédier, 3917); 1re moitié XIIe s. s'esprendrat ... sa forsenerie (Ps. Cambridge, 2, 12 ds T.-L.); 1643 s'éprendre de (qqn) (CORNEILLE, Polyeucte, II, 1). Dér. de prendre; préf. é-. Fréq. abs. littér. :222. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 178, b) 348; XXe s. : a) 466, b) 323. Bbg. DE KOCK (J.). À propos de deux descriptions de la forme pronom. du verbe en fr. Orbis. 1971, t. 20, p. 21. — GOHIN 1903, p. 303. — JOURJON (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. et Litt. 1915-1916, t. 29, p. 63.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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